Le nouveau patron de la firme à la pomme avait déjà été désigné il y a trois ans par Steve Jobs comme potentiel successeur. Après avoir assuré trois fois l’intérim à la tête du groupe, la question de sa vision stratégique reste entière.
Apple résistera-t-il à la fin de l’ère Steve Jobs? C’est la question qui taraude les marchés ce matin, au lendemain de l’annonce par Steve Jobs de sa démission de la direction générale de la plus importante entreprise technologique mondiale, Apple. A Wall Street, le titre perd ce jeudi hors séance, un peu plus de 5%
Son successeur, Tim Cook, n’est pourtant pas un inconnu. Numéro deux du cofondateur de la firme à la pomme, ce diplômé de l’université de Duke (Caroline du Nord) a déjà assuré à 51 ans à trois reprises l’intérim du groupe (en 2004, 2009 et depuis janvier 2011) à l’occasion des congés maladies de Steve Jobs touché par un cancer puis une greffe du pancréas. A l’époque, les investisseurs avaient déjà montré leurs craintes face à la mise en retrait de celui considéré comme l’artisan principal du succès du géant informatique. Mais le choix actuel de Tim Cook comme intérimaire n’est pas anodin. Déjà évoqué en 2008 comme potentiel successeur (avec Peter Oppenheimer, directeur financier) par Steve Jobs lui-même, Tim Cook avait assuré lors de ses phases de remplacement bien plus que la gestion des affaires courantes. Il est même considéré par nombre d’analystes comme le véritable dirigeant de la firme à la pomme, alors que Steve Jobs incarnait à l’extérieur le visage et le succès de l’entreprise.
Un gestionnaire hors pair
Entré chez Apple en 1998, Tim Cook en était devenu directeur général délégué en 2005, puis directeur des affaires opérationnelles. Soit le bras droit de Jobs et le numéro un au quotidien et en interne. Après douze ans chez IBM, à l’époque leader mondial des PC grâce à sa marque Compaq (dont Tim Cook était à l’époque vice-président chargé de la production et de l’approvisionnement), l’homme faisait un pari plus qu’osé en rejoignant une entreprise bien moribonde. Mais cet «instinct technologique», que beaucoup espèrent aujourd’hui intact, s’est révélé payant, au vu de la transformation d’Apple en moins de quinze ans en l’une des entreprises les plus riches du monde.
Tim Cook avait même affirmé l’année dernière devant des étudiants de l’université d’Auburn avoir réussi, en rejoignant Apple, sa «plus importante réussite technologique jusqu’ici», rapporte Reuters. Sous la direction opérationnelle de Tim Cook, la marge brute d’Apple est passée de 27,5% à 35% en 2010, après un pic à 40% en 2009. En mai dernier, l’institut de conseil Millward Brown fait d’Apple «la marque globale la plus valorisée» au monde, tous secteurs confondus, devant McDonald’s et Coca-Cola. Et avec près de 76 milliards de dollars de trésorerie fondées sur le succès de ses iPod, iPhone et autres iPad, Apple dispose aujourd’hui de plus de liquidités que les États-Unis. Responsable de la maîtrise des coûts et du développement des produits Mac du groupe, Tim Cook est donc bien le principal artisan du succès financier du groupe.
Mais au-delà de sa capacité à transformer les idées de Steve Jobs en monnaie sonnante et trébuchante, et de ses qualité de gestionnaire, Cook aura-t-il le même génie visionnaire que son emblématique prédécesseur? Trop tôt pour le dire. Dans sa nouvelle mission, l’homme pourra en tout cas toujours compter sur l’expérience de son prédécesseur, qui l’a lui même recruté et formé il y a douze ans. De plus, le cofondateur d’Apple restera président du conseil d’administration, «pour continuer à aider son entreprise» explique-t-il dans sa lettre de démission. Du moins tant que son état de santé le lui permettra….
Quelle communication aux investisseurs?
Boulimique de travail et de sport, très exigeant comme Steve Jobs, Tim Cook est en revanche bien moins sanguin et plus réservé que son prédécesseur. Ce qui n’est pas sans poser quelques questions sur le regard que lui porteront les clients et les investisseurs d’Apple. Avare de ses apparitions publiques, Tim Cook devra aussi probablement travailler sur ses techniques de communication. Depuis le retour de Steve Jobs chez Apple en 2000 (il avait cofondé le groupe en 1976), la capitalisation boursière d’Apple a été multipliée par plus de 11 (environ 340 milliards de dollars), dépassant brièvement en août dernier celle du géant pétrolier Exxon Mobil.
Ce plébiscite des investisseurs n’est pas fortuit. Il est en grande partie le résultat des grands shows organisés par Steve Jobs pour présenter ses nouveaux produits, une des marques de fabrique d’Apple. Des rendez-vous que ne manqueraient pour rien au monde les fans de la marque à la pomme, et qui participent à l’engouement autour du groupe. Car l’emblématique patron n’avait pas son pareil pour captiver son public. A ce sujet, les dernières présentations des nouveaux produits d’Apple en octobre dernier à Cupertino en Californie, au cours de laquelle Tim Cook est d’ailleurs brièvement intervenu, a été un exemple du genre. Depuis, le nouveau dirigeant a aussi lui-même lancé l’iPhone 4, en janvier dernier, à New York.