Un vibrant hommage est rendu une fois de plus à Steve Jobs, mais cette fois-ci par les français du groupe Bravery in Battle !

Entretien exclusif avec Paul Malinowski de Bravery in Battle pour SteveJobs.fr (vidéo en fin d’article)

Pouvez-vous présenter votre groupe ?

Bravery in Battle est un quintette de rock parisien formé en 2010. Avant de fonder Bravery in Battle, j’avais fait des études d’écriture classique et a écrit des pièces symphoniques pour orchestre (symphonie, concerto) jouées à la salle Pleyel ou à l’Opera Comique. Mais je ne me retrouvais pas dans cette musique dite « contemporaine ». Trop complexe, trop intellectuelle, je rêvais d’une musique plus évidente, plus expressive. J’ai donc commencé à écrire des morceaux dans mon coin, avec en tête Coldplay, Radiohead mais aussi Mogwaï ou Explosion in The Sky. Dès le début, j’ai cherché à faire des chansons riches mais évidentes, plein de subtilités mais aussi puissantes et lyriques. Quand le projet a été pas mal avancé, j’ai rassemblé autour de moi des musiciens intéressés par ma démarche. On a commencé à jouer ensemble il y a un an. Il y a deux guitares (Eric et moi-même), basse (Maksim), clavier (Maxime) et batterie (Thomas). Je suis également le chanteur.
On a décidé très vite de chanter en anglais. L’anglais, n’étant pas notre langue natale, nous permet d’écrire des paroles plus simples qui ne passeraient pas en français. La simplicité est un des grands projets de Bravery. Il est facile de faire compliqué. Mais faire un bon titre où tout soit évident, tombe sous le sens, soit perceptible dès la première écoute tout en recelant suffisamment de richesse pour des écoutes ultérieures est un vrai challenge.
Et aussi l’anglais, de par son accent tonique et sa prosodie plus chantante et plus accentuée que le français, se prête beaucoup mieux au mélodies syncopées et très dessinées que nous avions en tête.
Mais c’est aussi une synécure. Même si on assiste actuellement à un retour des groupe anglophones, cela demeure encore un vrai handicap pour un développement en France à cause des quotas de chanson française sur les radios. Mais quand on a la foi…

Vous êtes fan d’Apple, quels logiciels et quel matériel utilisez-vous pour créer vos compositions?

Nous utilisons Logic Audio depuis de nombreuses années, avant même le rachat d’Emagic par Apple. Nous avons suivi l’évolution du logiciel et son amélioration qualitative au fur des années avec plaisir. C’est vraiment la référence. En plus de Logic, nous avons évidemment beaucoup de logiciels tiers (plug-ins, instruments logiciels) qui étendent considérablement la palette sonore de Logic.
Au niveau matériel, on a commencé par des G3 bleus et maintenant on fait tout tourner sur des MacBook Pro 15″ i7, qu’on emmène partout pour travailler en nomade. On peut ainsi composer dans le train, à l’hôtel. Ce sont des machines très performantes qui nous permettent des gérer des séquences très complexes avec lesquels on maquette nos titres.
On a aussi des iPhones dont on se sert tout le temps en répétition pour se filmer, s’enregistrer, s’accorder ou comme métronome. On a tout ça dans une seule machine ! C’est très pratique.
Quand à l’iPad, on y est venu très vite pour jouer sur scène des échantillons. On cherchait un petit sampleur portable pour nos concerts, pour pouvoir jouer des sons électroniques ou nécessitant des instrument volumineux. On ne voulait pas d’ordinateurs. Quand l’iPad est sorti, on s’est rué dessus et on y a collé Beatmaker (la version iPhone à l’époque) pour s’en servir comme d’une MPC. Ça permet d’avoir un bel objet sur scène avec lequel on joue comme d’un clavier en le tenant à deux mains. On avait essayé avec l’iPhone mais les pads étaient bien trop petits !
Pour l’image, n’étant pas vidéastes, notre utilisation des logiciels de montage est très rudimentaire. Nous nous sommes néanmoins mis à FCP X pour ce petit clip car nous voulions faire quelque chose rapidement et les monteurs qu’on connaissait n’étaient pas libres. On a pris le logiciel en main en 2 heures et le soir le clip était fait ! Je pense que c’est le seul logiciel pro avec lequel c’est possible.

Qu’avez-vous ressenti le jour de l’annonce de la mort de Steve Jobs ? Avez-vous tout de suite eu envie de lui rendre hommage avec cette vidéo ?

Une très grande tristesse. On a grandi avec ses produits. Nos premiers Macs datent de son retour chez Apple donc on n’a connu que l’ère Jobs. Je suis un peu geek, très branché nouveautés, donc je suivais ses Keynotes avec assiduité. C’était un grand communicant et ses présentations étaient comme des shows, remarquablement conçues. J’ai donc suivi la seconde ère Jobs chez Apple comme on suit une série TV, au fll des saisons. Et là soudain, ça s’arrête. C’est comme une connaissance qui s’en va, même si, bien sûr, on ne l’a jamais rencontré. Ça laisse un vide.
La marque ne s’arrête pas mais une page se tourne néanmoins.
A sa mort, la vidéo de son discours à Stanford à commencer à circuler partout sur la toile. On connaissait ce discours mais ça nous l’a remis en mémoire. On s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire avec ça, pour magnifier ce discours. On s’est donc mis au travail le soir même. On a pas mal tâtonné pour savoir comment incorporer la voix parlée. Comment la traiter musicalement en respectant la source, le rythme et l’intonation originelle de Steve Jobs ? Comment rester sobre et respectueux ? On voulait surtout fuir tous les Autotune et assimilés mais on savait aussi qu’il fallait la styliser, la rendre « musicale ». On s’est donc remémoré le travail de Steve Reich, inauguré avec Different Trains et ensuite tout a été très vite. On a donc relevé les « notes » sous-jacentes de sa prosodie, et cherché le tempo et la tonalité qui allait bien avec. Puis on a composé autour de ça.
La vidéo a été plus dure à faire car nous ne sommes pas vidéastes. On a vite choisi une option simple pour des raisons de temps, de compétences mais aussi car c’est ce qui correspondait le mieux au projet. On ne voulait pas se mettre, nous, dedans. Pas d’image du groupe, jouant ou composant. Juste Steve Jobs. Ce film, c’était pour lui.

Parlez-nous de vos projets futurs

Nous préparons un premier album qui devrait sortir au printemps. Il s’intitulera « love.science.fortune ». On est en train d’enregistrer en ce moment. On cherche toujours un label et un éditeur pour le sortir. Ce sont des titres avec lesquels on tourne en concert. On peut en écouter certains sur notre page Noomiz.

On a ensuite deux collaborations très excitantes. La première est pour l’automne 2012, une collaboration avec l’Orchestre Phiharmonique de Radio France. On jouera avec eux, lors d’un concert (malheureusement) unique une demi-douzaine de morceaux écrits pour l’occasion, des titres plus symphoniques et plus riches que nos compositions purement à 5. En plus de nous, il y aura donc une vingtaine de musiciens sur scène, cordes, bois, cuivres, harpe, percussions. Ça va être énorme. On devait initialement faire ce concert en mai dernier mais on n’était pas prêts. Ça a donc été reporté mais ça nous laisse le temps de peaufiner notre musique. Mon passé classique nous permet de prendre en charge la totalité des arrangements et de l’orchestration.

Le deuxième projet est avec la Maîtrise (choeurs d’enfants) de RadioFrance. En fait, quand le projet avec l’orchestre s’est décidé, j’avais demandé à Radio France si on pouvait en plus avoir des chanteurs de la Maîtrise avec nous. Comme ils n’étaient pas libres à l’époque, on nous a donc proposé de faire quelque chose avec eux spécifiquement. On doit donc écrire cinq courts morceaux qu’on jouera avec eux à la rentrée 2012 aussi et qui seront enregistrés et diffusés sur France Musique. Pour le coup, on ne chantera pas, ni lead, ni choeurs, on se contentera d’accompagner le groupe des 20 adolescents de ce magnifique choeur. Leurs voix sont splendides. Certains sont très jeunes, moins de 10 ans, mais pour cette occasion, nous n’aurons que les « grandes », des adolescentes entre 14 et 18 ans. Ça va être un grand moment. On attend ça avec impatience.

Une dernière chose à dire à propos de Steve Jobs ?

Je finirai par une question. On vit une époque difficile à décrypter. beaucoup de choses changent, les repères traditionnels sont mis à mal. En comparaison des siècles précédents, je ne sais pas si les grands hommes de notre temps seront les artistes ou les penseurs. Peut-être ceux qui comptent aujourd’hui sont-ils les « entrepreneurs », qui changent, à travers leurs inventions, la manière qu’à le monde de fonctionner, de communiquer. Je ne défends pas, en disant cela, le matérialisme ou la course à l’argent pour autant. Notre planète meurt sous les coups de ces derniers. Et, en temps que musicien, j’ai déjà choisi mon camps. Néanmoins, je me pose la question : un homme tel que Steve Jobs, avec ce qu’il a créé et les équipes dont il s’est entouré, n’influence-t-il pas notre société plus que les intellectuels et les artistes de tous les pays réunis ?

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