Steve Jobs (PDG-fondateur dâApple et de Pixar) donne un discours mĂ©morable aux nouveaux diplĂŽmĂ©s de Stanford. Une remarquable leçon de vie.
Je vous invite donc à prendre 14 minutes de votre journée pour juste écouter ce morceau de vie de Steve Jobs.
[VOSTFR] Steve Jobs Stanford CommencementâŠ
« Câest un honneur de me trouver parmi vous aujourdâhui et dâassister Ă une remise de diplĂŽmes dans une des universitĂ©s les plus prestigieuses du monde. Je nâai jamais terminĂ© mes Ă©tudes supĂ©rieures. A dire vrai, je nâai mĂȘme jamais Ă©tĂ© tĂ©moin dâune remise de diplĂŽmes dans une universitĂ©. Je veux vous faire partager aujourdâhui trois expĂ©riences qui ont marquĂ© ma carriĂšre. Câest tout. Rien dâextraordinaire. Juste trois expĂ©riences.
« Pourquoi jâai eu raison de laisser tomber lâuniversitĂ© »
La premiĂšre concerne les incidences imprĂ©vues. Jâai abandonnĂ© mes Ă©tudes au Reed College au bout de six mois, mais jây suis restĂ© auditeur libre pendant dix-huit mois avant de laisser tomber dĂ©finitivement. Pourquoi nâai-je pas poursuivi ?
Tout a commencĂ© avant ma naissance. Ma mĂšre biologique Ă©tait une jeune Ă©tudiante cĂ©libataire, et elle avait choisi de me confier Ă des parents adoptifs. Elle tenait Ă me voir entrer dans une famille de diplĂŽmĂ©s universitaires, et tout avait Ă©tĂ© prĂ©vu pour que je sois adoptĂ© dĂšs ma naissance par un avocat et son Ă©pouse. Sauf que, lorsque je fis mon apparition, ils dĂ©cidĂšrent au dernier moment quâils prĂ©fĂ©raient avoir une fille. Mes parents, qui Ă©taient sur une liste dâattente, reçurent un coup de tĂ©lĂ©phone au milieu de la nuit : « Nous avons un petit garçon qui nâĂ©tait pas prĂ©vu. Le voulez-vous ? » Ils rĂ©pondirent : « Bien sĂ»r. » Ma mĂšre biologique dĂ©couvrit alors que ma mĂšre adoptive nâavait jamais eu le moindre diplĂŽme universitaire, et que mon pĂšre nâavait jamais terminĂ© ses Ă©tudes secondaires. Elle refusa de signer les documents dĂ©finitifs dâadoption et ne sây rĂ©solut que quelques mois plus tard, quand mes parents lui promirent que jâirais Ă lâuniversitĂ©.
Dix-sept ans plus tard, jâentrais donc Ă lâuniversitĂ©. Mais jâavais naĂŻvement choisi un Ă©tablissement presque aussi cher que Stanford, et toutes les Ă©conomies de mes parents servirent Ă payer mes frais de scolaritĂ©. Au bout de six mois, je nâen voyais toujours pas la justification. Je nâavais aucune idĂ©e de ce que je voulais faire dans la vie et je nâimaginais pas comment lâuniversitĂ© pouvait mâaider Ă trouver ma voie. JâĂ©tais lĂ en train de dĂ©penser tout cet argent que mes parents avaient Ă©pargnĂ© leur vie durant. Je dĂ©cidai donc de laisser tomber. Une dĂ©cision plutĂŽt risquĂ©e, mais rĂ©trospectivement câest un des meilleurs choix que jâaie jamais faits. DĂšs le moment oĂč je renonçais, jâabandonnais les matiĂšres obligatoires qui mâennuyaient pour suivre les cours qui mâintĂ©ressaient.
Tout nâĂ©tait pas rose. Je nâavais pas de chambre dans un foyer, je dormais Ă mĂȘme le sol chez des amis. Je ramassais des bouteilles de Coca-Cola pour rĂ©cupĂ©rer le dĂ©pĂŽt de 5 cents et acheter de quoi manger, et tous les dimanches soir je faisais 10 kilomĂštres Ă pied pour traverser la ville et mâoffrir un bon repas au temple de Hare Krishna. Un rĂ©gal. Et ce que je dĂ©couvris alors, guidĂ© par ma curiositĂ© et mon intuition, se rĂ©vĂ©la inestimable Ă lâavenir. Laissez-moi vous donner un exemple : le Reed College dispensait probablement alors le meilleur enseignement de la typographie de tout le pays. Dans le campus, chaque affiche, chaque Ă©tiquette sur chaque tiroir Ă©tait parfaitement calligraphiĂ©e. Parce que je nâavais pas Ă suivre de cours obligatoires, je dĂ©cidai de mâinscrire en classe de calligraphie. Câest ainsi que jâappris tout ce qui concernait lâempattement des caractĂšres, les espaces entre les diffĂ©rents groupes de lettres, les dĂ©tails qui font la beautĂ© dâune typographie. CâĂ©tait un art ancrĂ© dans le passĂ©, une subtile esthĂ©tique qui Ă©chappait Ă la science. JâĂ©tais fascinĂ©.
Rien de tout cela nâĂ©tait censĂ© avoir le moindre effet pratique dans ma vie. Pourtant, dix ans plus tard, alors que nous concevions le premier Macintosh, cet acquis me revint. Et nous lâincorporĂąmes dans le Mac. Ce fut le premier ordinateur dotĂ© dâune typographie Ă©lĂ©gante. Si je nâavais pas suivi ces cours Ă lâuniversitĂ©, le Mac ne possĂ©derait pas une telle variĂ©tĂ© de polices de caractĂšres ni ces espacements proportionnels. Et comme Windows sâest bornĂ© Ă copier le Mac, il est probable quâaucun ordinateur personnel nâen disposerait. Si je nâavais pas laissĂ© tomber mes Ă©tudes Ă lâuniversitĂ©, je nâaurais jamais appris la calligraphie, et les ordinateurs personnels nâauraient peut-ĂȘtre pas cette richesse de caractĂšres. Naturellement, il Ă©tait impossible de prĂ©voir ces rĂ©percussions quand jâĂ©tais Ă lâuniversitĂ©. Mais elles me sont apparues Ă©videntes dix ans plus tard.
On ne peut prĂ©voir lâincidence quâauront certains Ă©vĂ©nements dans le futur ; câest aprĂšs coup seulement quâapparaissent les liens. Vous pouvez seulement espĂ©rer quâils joueront un rĂŽle dans votre avenir. Lâessentiel est de croire en quelque chose â votre destin, votre vie, votre karma, peu importe. Cette attitude a toujours marchĂ© pour moi, et elle a rĂ©gi ma vie.
« Pourquoi mon dĂ©part forcĂ© dâApple fut salutaire »
Ma deuxiĂšme histoire concerne la passion et lâĂ©chec. Jâai eu la chance dâaimer trĂšs tĂŽt ce que je faisais. Jâavais 20 ans lorsque Woz [Steve Wozniak, le co-fondateur dâApple N.D.L.R.] et moi avons crĂ©Ă© Apple dans le garage de mes parents. Nous avons ensuite travaillĂ© dur et, dix ans plus tard, Apple Ă©tait une sociĂ©tĂ© de plus de 4 000 employĂ©s dont le chiffre dâaffaires atteignait 2 milliards de dollars. Nous venions de lancer un an plus tĂŽt notre plus belle crĂ©ation, le Macintosh, et je venais dâavoir 30 ans.
Câest alors que je fus virĂ©. Comment peut-on vous virer dâune sociĂ©tĂ© que vous avez crĂ©Ă©e ? Câest bien simple, Apple ayant pris de lâimportance, nous avons engagĂ© quelquâun qui me semblait avoir les compĂ©tences nĂ©cessaires pour diriger lâentreprise Ă mes cĂŽtĂ©s et, pendant la premiĂšre annĂ©e, tout se passa bien. Puis nos visions ont divergĂ©, et nous nous sommes brouillĂ©s. Le conseil dâadministration sâest rangĂ© de son cĂŽtĂ©. Câest ainsi quâĂ 30 ans je me suis retrouvĂ© sur le pavĂ©. VirĂ© avec perte et fracas. La raison dâĂȘtre de ma vie nâexistait plus. JâĂ©tais en miettes.
Je restais plusieurs mois sans savoir quoi faire. Jâavais lâimpression dâavoir trahi la gĂ©nĂ©ration qui mâavait prĂ©cĂ©dĂ© â dâavoir laissĂ© tomber le tĂ©moin au moment oĂč on me le passait. CâĂ©tait un Ă©chec public, et je songeais mĂȘme Ă fuir la Silicon Valley. Puis jâai peu Ă peu compris une chose â jâaimais toujours ce que je faisais. Ce qui mâĂ©tait arrivĂ© chez Apple nây changeait rien. Jâavais Ă©tĂ© Ă©conduit, mais jâĂ©tais toujours amoureux. Jâai alors dĂ©cidĂ© de repartir de zĂ©ro.
Je ne mâen suis pas rendu compte tout de suite, mais mon dĂ©part forcĂ© dâApple fut salutaire. Le poids du succĂšs fit place Ă la lĂ©gĂšretĂ© du dĂ©butant, Ă une vision moins assurĂ©e des choses. Une libertĂ© grĂące Ă laquelle je connus lâune des pĂ©riodes les plus crĂ©atives de ma vie.
Pendant les cinq annĂ©es qui suivirent, jâai crĂ©Ă© une sociĂ©tĂ© appelĂ©e NeXT et une autre appelĂ©e Pixar, et je suis tombĂ© amoureux dâune femme exceptionnelle qui est devenue mon Ă©pouse. Pixar, qui allait bientĂŽt produire le premier film dâanimation en trois dimensions, Toy Story , est aujourdâhui la premiĂšre entreprise mondiale utilisant cette technique. Par un remarquable concours de circonstances, Apple a achetĂ© NeXT, je suis retournĂ© chez Apple, et la technologie que nous avions dĂ©veloppĂ©e chez NeXT est aujourdâhui la clĂ© de la renaissance dâApple. Et Laurene et moi avons fondĂ© une famille merveilleuse.
Tout cela ne serait pas arrivĂ© si je nâavais pas Ă©tĂ© virĂ© dâApple. La potion fut horriblement amĂšre, mais je suppose que le patient en avait besoin. Parfois, la vie vous flanque un bon coup sur la tĂȘte. Ne vous laissez pas abattre. Je suis convaincu que câest mon amour pour ce que je faisais qui mâa permis de continuer. Il faut savoir dĂ©couvrir ce que lâon aime et qui lâon aime. Le travail occupe une grande partie de lâexistence, et la seule maniĂšre dâĂȘtre pleinement satisfait est dâapprĂ©cier ce que lâon fait. Sinon, continuez Ă chercher. Ne baissez pas les bras. Câest comme en amour, vous saurez quand vous aurez trouvĂ©. Et toute relation rĂ©ussie sâamĂ©liore avec le temps. Alors, continuez Ă chercher jusquâĂ ce que vous trouviez.
« Pourquoi la mort est la meilleure chose de la vie »
Ma troisiĂšme histoire concerne la mort. A lâĂąge de 17 ans, jâai lu une citation qui disait Ă peu prĂšs ceci : « Si vous vivez chaque jour comme sâil Ă©tait le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle mâest restĂ©e en mĂ©moire et, depuis, pendant les trente-trois annĂ©es Ă©coulĂ©es, je me suis regardĂ© dans la gla-ce le matin en me disant : « Si aujourdâhui Ă©tait le dernier jour de ma vie, est-ce que jâaimerais faire ce que je vais faire tout Ă lâheure ? » Et si la rĂ©ponse est non pendant plusieurs jours Ă la file, je sais que jâai besoin de changement.
Avoir en tĂȘte que je peux mourir bientĂŽt est ce que jâai dĂ©couvert de plus efficace pour mâaider Ă prendre des dĂ©cisions importantes. Parce que presque tout â tout ce que lâon attend de lâextĂ©rieur, nos vanitĂ©s et nos fiertĂ©s, nos peurs de lâĂ©chec â sâefface devant la mort, ne laissant que lâessentiel. Se souvenir que la mort viendra un jour est la meilleure façon dâĂ©viter le piĂšge qui consiste Ă croire que lâon a quelque chose Ă perdre. On est dĂ©jĂ nu. Il nây a aucune raison de ne pas suivre son cĆur.
Il y a un an environ, on dĂ©couvrait que jâavais un cancer. A 7 heures du matin, le scanner montrait que jâĂ©tais atteint dâune tumeur au pancrĂ©as. Je ne savais mĂȘme pas ce quâĂ©tait le pancrĂ©as. Les mĂ©decins mâannoncĂšrent que câĂ©tait un cancer probablement incurable, et que jâen avais au maximum pour six mois. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre mes affaires en ordre, ce qui signifie : « PrĂ©parez-vous Ă mourir. » Ce qui signifie dire Ă ses enfants en quelques mois tout ce que vous pensiez leur dire pendant les dix prochaines annĂ©es. Ce qui signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. En bref, faire vos adieux.
Jâai vĂ©cu avec ce diagnostic pendant toute la journĂ©e. Plus tard dans la soirĂ©e, on mâa fait une biopsie, introduit un endoscope dans le pancrĂ©as en passant par lâestomac et lâintestin. JâĂ©tais inconscient, mais ma femme, qui Ă©tait prĂ©sente, mâa racontĂ© quâen examinant le prĂ©lĂšvement au microscope, les mĂ©decins se sont mis Ă pleurer, car jâavais une forme trĂšs rare de cancer du pancrĂ©as, guĂ©rissable par la chirurgie. On mâa opĂ©rĂ© et je vais bien.
Ce fut mon seul contact avec la mort, et jâespĂšre quâil le restera pendant encore quelques dizaines dâannĂ©es. AprĂšs cette expĂ©rience, je peux vous le dire avec plus de certitude que lorsque la mort nâĂ©tait pour moi quâun concept purement intellectuel : personne ne dĂ©sire mourir. MĂȘme ceux qui veulent aller au ciel nâont pas envie de mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est un destin que nous partageons tous. Personne nây a jamais Ă©chappĂ©. Et câest bien ainsi, car la mort est probablement ce que la vie a inventĂ© de mieux. Câest le facteur de changement de la vie. Elle nous dĂ©barrasse de lâancien pour faire place au neuf. En ce moment, vous reprĂ©sentez ce qui est neuf, mais un jour vous deviendrez progressivement lâancien, et vous laisserez la place aux autres. DĂ©solĂ© dâĂȘtre aussi dramatique, mais câest la vĂ©ritĂ©.
Votre temps est limitĂ©, ne le gĂąchez pas en menant une existence qui nâest pas la vĂŽtre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent Ă vivre en obĂ©issant Ă la pensĂ©e dâautrui. Ne laissez pas le brouhaha extĂ©rieur Ă©touffer votre voix intĂ©rieure. Ayez le courage de suivre votre cĆur et votre intuition. Lâun et lâautre savent ce que vous voulez rĂ©ellement devenir. Le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse, il existait une extraordinaire publication The Whole Earth Catalog , lâune des bibles de ma gĂ©nĂ©ration. Elle avait Ă©tĂ© fondĂ©e par un certain Stewart Brand, non loin dâici, Ă Menlo Park, et il lâavait marquĂ©e de sa veine poĂ©tique. CâĂ©tait Ă la fin des annĂ©es 1960, avant les ordinateurs et lâĂ©dition Ă©lectronique, et elle Ă©tait rĂ©alisĂ©e entiĂšrement avec des machines Ă Ă©crire, des paires de ciseaux et des appareils Polaroid. CâĂ©tait une sorte de Google en livre de poche, trente-cinq ans avant la crĂ©ation de Google. Un ouvrage idĂ©aliste, dĂ©bordant de recettes formidables et dâidĂ©es Ă©patantes.
Stewart et son Ă©quipe ont publiĂ© plusieurs fascicules de The Whole Earth Catalog . Quand ils eurent Ă©puisĂ© la formule, ils sortirent un dernier numĂ©ro. CâĂ©tait au milieu des annĂ©es 1970, et jâavais votre Ăąge. La quatriĂšme de couverture montrait la photo dâune route de campagne prise au petit matin, le genre de route sur laquelle vous pourriez faire de lâauto-stop si vous avez lâesprit dâaventure. Dessous, on lisait : « Soyez insatiables. Soyez fous. » CâĂ©tait leur message dâadieu. Soyez insatiables. Soyez fous. Câest le vĆu que jâai toujours formĂ© pour moi. Et aujourdâhui, au moment oĂč vous recevez votre diplĂŽme qui marque le dĂ©but dâune nouvelle vie, câest ce que je vous souhaite.
Soyez insatiables. Soyez fous.
Merci à tous.»
Alors vous avez compris : soyez insatiables, soyez fous !